No soy de aquí, ni soy de allá
Je suis lancé sur l’autoroute à 220km/h, les rétroviseurs me renvoient une image de la nuit et je pense alors : «C’est une nuit pour une milonga…»
A la banque, la brune du guichet me prévient qu’elle ne pourra plus m’avancer des euros, mon compte est trop à découvert. Je lui réponds «Qu’à cela ne tienne, si je ne peux pas manger, je pourrais toujours aller en milonga !»
Dans mes bras tu es et je ne sais pourquoi tu as attendu cette étreinte pour m’annoncer que tu me quittais. Je te dis alors : «S’il en est ainsi, je danserai avec d’autres dans les milongas.»
Dans ce port breton, tous les bateaux des pêcheurs sont partis en mer, ils ne reviendront que tard le lendemain. «Chic, me dis-je, leurs femmes sont à la milonga !»
J’ai oublié ce que je faisais à la même période il y a 20 ans, je ne sais combien de projets n’ont pas abouti, je cherche combien de capitales j’ai traversées, j’ai honte de ne plus me rappeler toutes les histoires intimes vécues… Un seul remède pour que les souvenirs ressurgissent : faire un marathon en milonga.
Le livre «Tango before midnight » est toujours introuvable, le disque d’Enzo Valentino est épuisé, des partitions de Pugliese ont brûlé dans un incendie criminel… Je réfléchis et je trouve ce qu’il faut faire : organiser une milonga pour penser à tout ce qui nous manque, à tous ceux qui nous manquent…
Serge Davy, 2012
Photo Claude Boisnard