Tango : la culture en échec ?
Quelques associations à l’image de TempoTango Caen, et quelques festivals comme Tangopostale Toulouse, mettent en avant l’accès pour toutes et tous, aux œuvres culturelles liées au tango argentin : musique vivante, littérature, spectacles, conférences, rencontres, expositions, cinéma… Que cette culture ne soit pas monopolisée par des intellectuels, gens diplômés, universitaires ou riches ! Pourtant, les résultats, en matière d’intérêt à l’histoire, à la sociologie, à la musique sont inquiétants, voire parfois cinglants. En effet, hormis la danse, une grande majorité des amoureux du tango délaissent les rendez-vous avec les auteurs, les réalisateurs, les conférenciers, les artistes, voire même avec les musiciens, ce qui est plutôt alarmant !
Ces derniers mois, TempoTango a essuyé ce que l’on pourrait considérer comme des échecs, le nombre de spectateurs-auditeurs ayant diminué de façon importante lors des temps forts proposés tout au long de l’année. Ainsi, beaucoup de tanguero.ra.s ne se sont pas emparés de plusieurs offres culturelles : ils/elles étaient absent.e.s lors de la projection de Fermin, Glorias de Tango et de Tango en Paris, Souvenirs de Astor Piazzola, absent.e.s à la rencontre avec l’auteur de BD Etienne Martin (Abrazos), absent.e.s lors de la venue de Nestor Ponce, Frédéric Couderc et Blandine Lejeune (temps fort Polars et Tango), etc. etc. Et la situation est sans doute plus incompréhensible quand il s’agit de musique vivante. Il faut, par exemple, noter l’absence de publics lors de la venue du chanteur et guitariste Brian Chambouleyron, lors du concert et milonga d’un des plus grands harmonicistes argentins Franco Luciani ou encore lors du bal tango avec les talentueux Sebastian Volco et Pablo Gignoli. Et cette liste n’est malheureusement pas exhaustive.
Multiplier l’offre n’a pas pour conséquence l’augmentation de la fréquentation, nous le vérifions régulièrement ! Faut-il croire que la communauté des danseurs de tango est une véritable forteresse repliée sur elle-même, sur la danse, déconnectée de l’histoire, des arts, de la culture et uniquement imprégnée par la milonga ? Tourner en rond ? Il est vrai que ce constat est général, les Français désertent les lieux culturels notamment en province. Au profit de quoi ? De la télé ? de Netflix ? De Danse avec les stars ?! Si parmi plusieurs explications, certains observateurs avancent le prix des places (complexes cinématographiques, théâtres, musées…), nous ne pouvons pas retenir cet argument concernant les danseurs de tango dont le niveau de vie est plutôt confortable, dans 95% des cas. Pass pour festivals, encuentros, marathons, stages avec maestros, sans parler des frais de déplacement ou d’hébergement, montrent bien que payer pour danser n’est pas vraiment un problème pour une large majorité des danseurs.ses. Quant aux rencontres littéraires, conférences, concerts, etc. toute manifestation « culture tango » au sens large, personne ne peut dire qu’il y a inflation dans les tarifs !
En revanche, cette désertification des publics tangos lors de ces événements uniques, voire exceptionnels et qui nous réunissent autour d’une passion commune, cette désertification est préjudiciable. Préjudiciable d’abord à celles et ceux qui sont fidèles à ces rendez-vous (le public), aux artistes (musiciens, réalisateurs, auteurs…), aux pouvoirs publics (la Ville de Caen en ce qui nous concerne) et aux partenaires (Bibliothèques, cinéma, théâtres…). Et bien évidemment cette absence de tanguero.a.s est préjudiciable à court terme à l’association elle-même, quand bien-même ces acteurs (publics, organisateurs, pouvoirs publics, partenaires) trouvent un réel intérêt à l’existence et à la tenue de ces événements culturels liés au tango argentin. Serge Davy 25 Novembre 2019